L'histoire du retour "magique" du carnet de guerre...

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Ce texte a été rédigé dans le cadre du concours "les 40 plus belles histoires franco-allemandes " organisé par l'Office Franco Allemand pour la Jeunesse fin 2003. "Il invitait des Français et des Allemands, toutes générations confondues, à témoigner sur un événement personnel franco-allemand qui les a marqués". Cette histoire a été primée, elle fait partie des 40 parmi plus de 700 qui sont parvenues à l'OFAJ.
Ci dessous le texte intégral présenté par les deux familles.

Après 60 ans en Allemagne, un manuscrit retrouve sa terre natale
Résumé : Grâce à une famille allemande, une famille française retrouve un manuscrit disparu depuis 60 ans, exactement au moment où l'auteur, artiste peintre né en 1858, fait l'objet de sa première exposition dans un musée.
Engagé volontaire à 55 ans en 1914, Albert Siffait de Moncourt est " peintre-chroniqueur" ; il rédige une forme originale de carnet couvrant toute la période de la guerre 1914-1918 ; ce manuscrit disparaît en 1940. En 2003, la première exposition de ses œuvres est organisée dans un musée. Quelques mois avant le vernissage, la famille Damm, qui a trouvé ce manuscrit dans son grenier, recherche avec persévérance les descendants français de l'auteur. Le 14 juin 2003, cette famille allemande originaire de l'île de Spiekeroog, remet à la famille Daras le précieux carnet lors d'une cérémonie émouvante. Grâce à ce geste exceptionnel, les petits-enfants, les arrière-petits-enfants du peintre, qui ne connaissaient que les peintures de leur ascendant, découvrent un homme de fort caractère qui les surprend par un langage de vérité sur les hommes, l'art, la nature, sa passion de l'équitation et sa vie de simple soldat.
Cette histoire est donc celle d'une famille française qui retrouve son passé et, grâce à cette rencontre, se lie avec une famille allemande.









Le parcours du manuscrit
Le carnet reste dans la maison de famille du peintre à Rue en Picardie jusqu'en 1940. La maison est alors occupée par les troupes allemandes. Le soldat Martin Damm prend ce carnet et l'emporte chez lui en Allemagne.
En 2002, ce carnet est trouvé dans un meuble du grenier de la veuve du soldat Allemand qui habite l'île de Spiekeroog dans le nord de l'Allemagne. Heureusement son petit-fils a épousé une française qui peut lire le manuscrit. Ayant décrypté
le nom de l'auteur, quelques informations sur son métier (peintre) et la région de France qu'il habite, toute la famille Damm n'a de cesse de trouver les descendants d'Albert Siffait de Moncourt. Cette recherche est difficile puisqu'il n'y a pas de descendants portant ce nom de famille. De fausses pistes augmentent la difficulté, exemples : le nom d'Albertville est d'abord lu alors qu'il s'agit d'Abbeville, de même la ville où se situe la propriété du peintre s'appelle Rue, ce qui n'est pas facile à comprendre.
La famille Damm persévère. Mme Nadia Damm, l'épouse française de l'arrière-petits-fils donne de nombreux appels téléphoniques en France. Ainsi en mars 2003, Mme Pantxika De Paepe, conservateur du Musée d'Abbeville, travaillant à la préparation de l'exposition sur le peintre reçoit cette appel téléphonique " miraculeux " : connaissez-vous un peintre qui s'appelle Albert Siffait de Moncourt, nous cherchons ses descendants ? Les descendants sont alors identifiés



Ile de Spiekeroog, nord de l'Allemagne



Un fabuleux concours de circonstances
Ignorant la recherche de la famille Damm, les descendants d'Albert Siffait de Moncourt réalisent le catalogue raisonné des œuvres du peintre. Les peintures se trouvent dispersées dans toute la France.
Plus ils avancent dans l'inventaire, plus ils se posent de questions sur l'homme, ses goûts, ses passions... mais aucune source ne permet de répondre à ces questions. De plus, il ne datait pas ses peintures, ce qui rend impossible une étude chronologique de son évolution artistique. La première exposition du peintre dans un musée s'organise en 2003.
Le vernissage a lieu le 14 juin 2003 et aucun des invités ne s'attend à y voir une famille allemande. C'est Mme De Paepe, conservatrice du musée d'Abbeville, en relation téléphonique avec Mme Nadia Damm qui a organisé cet événement " surprise ".

 
L'auteur du manuscrit
Albert Siffait de Moncourt est né en 1858. C'est un peintre local de la mouvance réaliste. Ses nombreuses toiles représentent la Picardie maritime : des paysages de campagne, de la baie de Somme, des villes de Rue, Abbeville, Amiens et des villages environnants. Lorsqu'il s'engage dès la déclaration de guerre en 1914, il a 55 ans. Il restera aux armées pendant toute la guerre. Il a deux enfants : un fils qui décède en 1918 des suites d'une maladie contractée sur le front et une fille Jacqueline de laquelle est issue la descendance actuelle du peintre : 3 petits-enfants, 12 arrière-petits-enfants...

 

La remise du manuscrit au cours du vernissage : une émotion partagée par 200 personnes
Le fils du soldat Martin Damm qui a préservé le manuscrit M. Helmut Damm et son épouse ainsi que son petit-fils M. Stefan Damm et son épouse Nadia se rendent à Abbeville le 14 juin 2003 pour le vernissage.
Le carnet est alors remis officiellement aux descendants d'Albert Siffait de Moncourt. Les membres de la famille Damm racontent comment celui-ci se trouve dans sa famille depuis 1940, et comment, après de longues recherches, la famille Daras a pu enfin être identifiée. Ils expriment leur grande satisfaction de voir enfin abouti le souhait exprimé depuis longtemps par Mme Mariechen Damm, la veuve du soldat Martin Damm (aujourd'hui âgée de 94 ans). C'est une grande surprise pour tous. Cette cérémonie particulièrement émouvante a véritablement marqué les 200 personnes présentes.

 
Le manuscrit
La rédaction est faite en 1920 à partir des notes prises au jour le jour et donc après la mort de son fils. Ce carnet "n'est pas une histoire de la guerre. J'ai voulu simplement pour mes petits enfants, si j'ai le bonheur d'en avoir, résumer mes impressions pendant cette période qui a du laisser à tous des souvenirs inoubliables ".
Autre surprise, le manuscrit contient des photos inédites de l'époque.
Le texte n'est pas toujours facile à lire ; afin de pouvoir le diffuser dans la famille, le manuscrit a complètement été retranscrit pour permettre une lecture confortable à l'ensemble des descendants.
Grâce à ce manuscrit qui cite le nom de ses amis peintres, il a été plus facile de comprendre l'environnement artistique dans lequel il travaillait. Le manuscrit apporte aussi un témoignage vivant sur la vie de la famille à son époque.
 

Deux familles qui font connaissance

La famille Damm est reçue le lendemain par les descendants du peintre dans la maison même où le carnet se trouvait en 1940 et où a vécu le peintre. Une visite au beffroi de la ville de Rue est organisée pour voir ses œuvres monumentales peintes sur les murs de l'ancienne salle de justice.
Il fait un temps superbe, le déjeuner est à l'extérieur avec la participation des enfants et petits enfants de M et Mme Bernard Daras. Les familles font connaissance. C'est un moment magique.
Comme le montre la photographie ci-jointe, un tableau de l'auteur du manuscrit est donné à la famille Damm en remerciement de leur superbe geste.

 
Une rencontre " historique " pour les deux familles.
Cette histoire est issue d'événements qui se sont déroulés pendant les deux guerres mondiales. Elle illustre objectivement ce passé et montre qu'aujourd'hui les rencontres, les échanges entre les deux peuples sont bien réels et cela à partir de simples initiatives personnelles.
Grâce à ce carnet, la famille Daras connaît mieux l'histoire et la personnalité de son aïeul. L'événement a aussi permis une rencontre entre des familles allemande et française. Des relations d'amitié se sont nouées. Les journées des 14-15 juin 2003 resteront toujours présentes dans leur esprit.
Enfin et dès maintenant le commissaire de l'exposition, qui guide les visiteurs, dispose de plus de repères pour présenter les œuvres et l'artiste.
 

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