La peinture
Sa formation, sa technique
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Voici quelques grandes caractérisques communes aux oeuvres
d'Albert Siffait de Moncourt

Pas ou rarement de soleil, il aime toutes les nuances du reflet de la lumière. Il peint rarement le ciel, mais plutôt les effets de la lumière sur le sujet traité.

Des cadrages serrés, souvent surprenants.

Une présence humaine très fréquente, même dans les paysages, mais une présence très furtive.

L'artiste aime traiter le travail de l'homme : l'architecture notamment.

Un détail très fréquent : l'herbe entre les pavés avec une petite flaque d'eau.

 

L'automne est sa saison préférée

"Il lui faut la mélancolie de l'automne, cette saison qu'il a comprise et aimée plus que les autres, pour rendre la mélancolie d'un vieux château, dont la grille reste close, comme dans le tableau qu'il exposait en 1913, sous le titre : Grille de parc; ah ! comme il a su rendre expressive cette grille fermée ! La même année, il nous faisait méditer devant une rue de province, une de ces rues où l'herbe pousse entre les pavés. Comme elle est bien silencieuse cette rue ou presque personne ne passe, cette rue ensommeillée, ou le pinceau de l'artiste est allé chercher je ne sais quel rêve. Sommeil de l'automne; sommeil profond, de l'hiver; places exiguës où la chute d'une feuille morte est un bruit; escalier, dont les marches usées font penser que ceux qui l'ont monté n'y repasseront jamais; lumière discrète, tamisée par le brouillard, éclairant un canal au cours alangui; maisons basses qui se mirent dans les flaques d'eau, que la pluie a oubliées au creux des ornières ; bornes de pierre réunies par une chaîne de fer, que la rouille dévore; arbres rabougris courbes par l'effort du vent de mer; voilà toutes les expressions par lesquelles s'est traduit le talent plein d'une poésie nostalgique et prenante de cet artiste si délicat que fut Albert de Moncourt."
Artistes de notre temps, Emile Langlade, 1933


Ci-dessous un texte de Mme Pantxika De Paepe,
extrait du catalogue de l'exposition

Notre artiste peignait bien en extérieur
La disparition des archives familiales ne nous permet pas de connaître le parcours qui conduit ce fils de sous-préfet à une carrière artistique mais par chance, Albert de Moncourt a laissé un grand nombre d'oeuvres qui nous permettent de mieux cerner son art et en particulier sa technique. La matière peu épaisse, laissant visible les coups de pinceaux, prouve une grande rapidité d'exécution. Ce fait est corrobore par un témoignage concernant Henry Daras qui relate comment les deux peintres, Daras et de Moncourt, partaient peindre sur le motif, le premier en étant encore au cadrage de sa composition alors que le second avait déjà termine. Le petit chevalet portatif et la mallette de matériel, presentes dans l'exposition, prouvent que notre artiste peignait bien en extérieur ; abordait-il les grands formats ou s'en tenait-il aux études sur fibrociment ? II est difficile d'y répondre. Nous pouvons seulement constater que le fibrociment était facile à trouver, peu onéreux et que ses petites dimensions (30 x 30 cm) en faisaient un support idéal lors des sorties. Ainsi, plusieurs grandes toiles ont été au préalable esquissées sur un format moindre en fibrociment


Hospice de Rue, huile sur toile, 73 x 54,
Crédit photo : D. Bettefort, musée Boucher de Perthes.
Collec. part.

Pas ou peu de repères chronologiques
Exécutant ses oeuvres rapidement, Albert de Moncourt omet systématiquement de les dater. Les rares portant une date sont les portraits de ses proches sur fibrociment, comme par exemple celui de sa fille Jacqueline. Ces portraits ont une autre particularité, ils sont signés du monogramme AS alors
que les autres tableaux portent la mention "A de Moncourt". L'absence de date pose le problème de l'étude de l'évolution du style du peintre. Les oeuvres identifiables exposées aux salons nous donnent pourtant quelques repères chronologiques en supposant qu'elles ont été realisées quelques mois précédant l'envoi à Paris. Nous savons ainsi que les trois toiles de la chapelle du Saint-Esprit de Rue furent réalisées entre 1884 et 1887.
Ce gout pour la peinture historique n'est pas étranger à l'époque et nous pouvons présumer une date proche pour la peinture ornant l'église du Crotoy ; une reconstitution du port du Crotoy au temps de Jeanne d'Arc. Les Saints Firmin et Corneille au-dessus desquels est esquissée une vue de la ville d'Amiens est dans la même veine historique, mais elle doit être plus tardive. En effet l'église Saint-Corneille de Favières fut restaurée en 1912 grâce à la Société des Antiquaires de Picardie sur l'initiative d'Albert Siffait de Moncourt. Il semble donc logique que le peintre ait attendu la rénovation de l'église avant de la décorer. Des peintures antérieures àces visions médievales concernent Paris comme Un chantier au boulevard Vaugirard, premier tableau du peintre au Salon des Champs-Elysées de 1882 et bien sur, la Picardie. Autour de 1900, se situent les toiles réalistes - La culture ou L'industrie ) - dans la mouvance des décors peints pour l'Hôtel de ville de Rue, l'actuel beffroi, inauguré en 1902. Ces derniers prouvent l'intérêt de Siffait de Moncourt pour un phénomène de mode, l'ornement des mairies : "Le principe si fécond et si juste de la décoration des édifices civils, ou se concentre la vie moderne, n'a etc adopte qu'il y a environ six ans. Nul doute qu'on arrive d'ici quelques années a doter nos mairies d'un ensemble de peintures qui, par un heureux mélange d'allégories et de réalité, présenteront comme un reflet du mouvement social (Rapport, 1885).


Le Crotoy
Crédit photo : D. Bettefort, musée Boucher de Perthes

 


"Je préfère la lumière du Nord pour sa délicatesse et ses riches nuances. Dans le ciel du midi, il ne se passe rien. dans le nôtre, tous se passe".
Albert Siffait de Moncourt, 1925

 

 

   


La maison jaune, huile sur fibrociment
40 x 32,7 -
Crédit photo : D. Bettefort, musée Boucher de Perthes. Coll. part.

Une abondante production
272 peintures ont été repertoriées aujourd'hui grâce au travail infatigable de Dominique Daras, arrière-petit-fils du peintre. L'inventaire de 1940 mentionne 40 grandes toiles, 120 moyennes et 200 petites, celui de 1941 identifie 85 tableaux et dénombre 30 études sur bois. environ 200 sur fibrociment, approximativement 160 toiles détériorées et 7 roulées sur des batons.
Albert de Moncourt en revanche semble avoir peu dessiné. Trés peu d'oeuvres graphiques sont conservées et peu furent présentées au Salon, un seul, Province, correspond a l'étude d'un tableau éponyme ; le pastel et l'oeuvre peinte furent exposées respectivement en 1897 et 1898. Une esquisse peinte sur toile montre, côte à côte, la couverture du Beffroi de Rue, un détail de la facade de la chapelle du Saint-Esprit et le visage d'un jeune homme qui sont autant de travaux préparatores pour des toiles futures : le détail du Beffroi est visible dans la toile Place du marché (Rue). Après avoir travaillé en extérieur, repris certains motifs, l'artiste peint directement sur la toile ou le bois dans son atelier, comme le montre son autoportrait. Assis devant son chevalet, le peintre, la palette à la main, réalise une grande composition où se devinent une rue et de hauts édifices. Une étude préalable est-elle posée sur le plan de travail masque par le peintre ou s'agit-il d'un travail de memoire ou de reconstitution historique comme pour cette toile représentant l'eglise Saint-Wulphy de Rue dont le peintre ne vit jamais le haut clocher.


Hameau de Larronville.
Crédit photo : D. Bettefort, musée Boucher de Perthes
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Coll. part.

Un amateur éclectique, amoureux de sa région
Nous le voyons, les oeuvres qui jalonnent la production d'Albert de Moncourt prouvent son indépendance d'esprit face a l'enseignement classique qu'il dut recevoir et surtout un éclectisme dans les thèmes abordes : sujets historiques, portraits, thèmes réalistes, allégories, témoignages objectifs ou visions partielles, transformées des lieux. Délaissant un court instant la peinture, il réalise meme un plateau en cuivre repousse qu'il expose au Salon de 1897. Abordant tous les sujets, il s'intéresse tout particulièrement au cadrage de ses compositions. Cette préoccupation le conduit a realiser plusieurs peintures sur le même thème -Chapelle du Saint-Esprit (Rue)- dont le rendu bien évidemment diffère, suivant l'angle de vue choisit. Beaucoup de fibrociments témoignent du goût d'Albert de Moncourt pour des cadrages très serrés, mettant l'accent sur un détail (Perron du pensionnat Saint-Vulfran) ou une scène qui peut nous sembler sans intêret, vague silhouette passant devant un mur. Ces démarches en adéquation avec celles des nouveaux courants picturaux qui agitent le monde de l'art au début du XXe siècle ne font pas de notre peintre, qui reste un amateur, un précurseur. Esprit curieux, il rencontre de nombreux artistes fort éloignés du courant officiel et classique : il réalise le portrait de la fille de Braquaval, se lie d'amitié avec le peintre symboliste Henry Daras, fait visiter la chapelle du Saint-Esprit de Rue a Rodin, collectionne des oeuvres de Le Sidaner. Indifférent à l'effervescence artistique parisienne et à la postérité, Albert de Moncourt souhaitait certainement n'être que le chroniqueur pictural de sa Picardie qu'il aimait tant.
Par rapport à ses contemporains voyageant en quête de nouvelles sources d'inspiration, de Moncourt est d'une nature casanière. Les oeuvres qui ne sont pas en relation avec la Picardie sont rares et dictées par des impératifs familiaux, comme les vues de Paris ou il a un appartement, ou par le front pour les toiles peintes en Champagne. Ses obligations l'éloignent peu de la Picardie, et lorsqu'il la quitte, c'est pour retrouver des paysages semblables dans le nord de la France ou en Belgique.
Sans conteste, Albert de Moncourt se plait a représenter les villes et villages, la campagne et la cote picardes. A son oeil de peintre vient s'ajouter celui d'ethnologue qui s'attache au détail et nous décrit des traditions aujourd'hui oubliées.

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